Les hydrates de gaz ou clathrates sont des composés solides cristallins constitués d’une charpente formée de molécules d’eau dans laquelle est logée une molécule de gaz. La thématique des hydrates de gaz traverse des champs disciplinaires variés et fait l’objet de nombreux travaux scientifiques, allant de l’astrophysique aux géosciences en passant par le génie des procédés et les sciences moléculaires. Du point de vue fondamental, les structures moléculaires et colloïdales, les interactions avec les matrices naturelles dans lesquelles ils se forment, ainsi que les conditions de formation et dissociation de ces matériaux, sont scrutés avec une large gamme d’outils sur de larges échelles de temps et d’espace. Du point de vue des applications, ces matériaux, longtemps considérés et examinés uniquement comme une nuisance à éviter – l’obturation des conduites d’acheminement du gaz naturel et les risques d’instabilités des fonds océaniques pouvant conduire à la génération de tsunamis ou être préjudiciables pour l’industrie offshore –, sont vus depuis quelques années comme une opportunité en raison de leurs nombreuses applications potentielles: matériaux à changement de phase pour la réfrigération secondaire et le stockage du froid, captage et séparation du CO2 et autres gaz acides, purification/désalinisation de l’eau, ressources énergétiques potentielles, etc. La preuve de l’existence ou non de clathrate hydrates dans le milieu interstellaire est également le sujet de nombreux débats dans la littérature afférente à l’astrophysique, car ces composés pourraient avoir joué un rôle clé dans l’assemblage de blocs de construction de nombreux objets extraterrestres. Toutes ces thématiques sont abordées par la communauté scientifique française, avec l’implication de nombreux laboratoires et organismes de recherche aux compétences variées et complémentaires, répartie sur l’ensemble du territoire. Les laboratoires se regroupant autour de cette proposition de GDR ont les ressources pour accompagner un tel développement scientifique et technologique, des recherches fondamentales jusqu’au développement de pilotes, et même de prototypes pour certains laboratoires. En sus de son intérêt fondamental, le GDR constituera donc un portail pour des industriels intéressés.
Les hydrates sédimentaires sont des accumulations de gaz naturel sous forme solide que l’on rencontre dans des conditions de basse température et haute pression. Ils sont majoritairement constitués de gaz microbien, où le méthane prédomine en quantité. Ce sont des réservoirs superficiels dynamiques qui évoluent dans l’espace et dans le temps, et cette évolution peut modifier la morphologie des fonds marins avec pour conséquence des changements dans les propriétés mécano-physico-chimiques du sédiment. Ces zones à hydrates font parties des zones de suintements froids (cold seeps) que l’on retrouve sur les marges continentales, et sont des lieux propices au développement de nombreuses communautés (micro)-biologiques chimiosynthétiques. En raison des importants volumes de gaz qu’ils renferment, ces hydrates de gaz jouent un rôle fondamental dans le cycle du carbone des océans. La libération de ce gaz pourrait non seulement induire une déstabilisation des fonds marins, mais potentiellement contribuer à l’évolution climatique si le méthane parvient à traverser la colonne d’eau et atteindre l’atmosphère. A côté de ces nuisances, les hydrates de gaz sont également considérés comme une source d’énergie potentielle.
L’existence ou non de clathrates hydrates dans le milieu interstellaire reste le sujet de nombreux débats depuis le début des années 1950. Leur formation est liée à la présence d’eau et de gaz en conditions extrêmes, qui selon le milieu considéré correspond à de très basses températures et de très hautes (ou de très basses) pressions. L’importance de ces composés d’inclusion provient du fait qu’ils peuvent piéger une variété de gaz (méthane, hydrocarbures lourd, dioxyde de carbone, gaz nobles, molécules organiques, etc.) du milieu interstellaire et préserver en phase solide ces molécules à des températures plus hautes qu’attendues, évitant ainsi leur dispersion rapide. Leur présence modifierait donc la composition absolue et relative des corps glacés de l’astrophysique, et allongerait les durées de rétention, ou par exemple la (ré-)injection tardive d’espèces gazeuses dans les atmosphères planétaires. Ces hydrates pourraient avoir joué un rôle fondamental dans la formation de la nébuleuse primaire à l’origine des planètes dans le système solaire. Leur présence est donc supposée sur des planètes comme Uranus, Neptune, Mars, Jupiter et Saturne mais aussi dans des satellites comme Titan, Encelade ou Europe. L’hypothèse de leurs présences en subsurface ou au cœur des comètes a également été avancée, renforçant l’idée que ces corps ont retenu sous une forme quasi intacte la matière présente dans la nébuleuse solaire primitive. De même, les réservoirs de gaz qu’ils renferment peuvent avoir joué un rôle très important dans l’évolution de l’atmosphère des planètes comme Mars, Pluton, ou même certaines lunes de planètes géantes. Plusieurs questions clés sur les hydrates dans le système solaire restent cependant encore sans réponse, en raison notamment d’un manque de données de laboratoire dans des conditions représentatives du milieu interstellaire et du manque d’intégration dans les modèles des conditions pertinentes de ce milieu.
La mise en œuvre des sciences du Génie des Procédés (thermodynamique, transferts, réactions, cristallisation, changement d’échelle) au domaine des hydrates, ou des semi-clathrate hydrates est large, et recoupe de nombreux secteurs d’applications. Les études fondamentales de thermodynamique, bien qu’établies depuis longtemps, continuent à être approfondies, soit vers des domaines d’applications à très haute pression (pour des applications en ultra-grande profondeur sous-marine), à très basse température (pour des études liées à l’astrophysique, et à la planétologie), à très forte salinité (pour des applications liées au la purification d’eau). La recherche d’additifs thermodynamiques permettant d’abaisser les pressions de formation, tout en conservant des capacités de stockage de gaz importante, est un champ d’étude pour le captage et le stockage du CO2, ou la fabrication de matériaux à changement de phase, qui nécessite de décrire de nouveaux semi-clathrates et de constituer de nouvelles approches de thermodynamique. Enfin, la mise en évidence de comportement hors équilibre vient d’ouvrir un nouveau champ d’étude de la thermodynamique hors équilibre qui nécessite de coupler les transferts et les équilibres thermodynamiques, et donc de décrire la géométrie des systèmes avant de chercher à calculer les compositions des phases qui se forment. Le secteur d’application principal porte sur la séparation gazeuse pour orienter la sélectivité de captage de tel ou tel gaz. Les sciences du génie des procédés se trouvent ici pleinement utilisées, par la nécessaire approche multiphasique et multi-échelle qu’il faut mettre en œuvre, et qui est fortement dépendante de la technologie qui sera mise en œuvre. Le développement technologique, partie constitutive du génie des procédés, est plus que jamais un des enjeux actuels puisque les applications potentielles des hydrates et des semi-clathrates hydrates sont de plus en plus nombreuses (matériaux à changement de phase pour la réfrigération secondaire et le stockage du froid, captage et séparation du CO2 et autres gaz acides, purification/désalinisation de l’eau, ressources énergétiques potentielles).
L’émulation autour des clathrate hydrates touche une communauté très large de scientifiques théoriciens et expérimentateurs (physico-chimie, ingénierie, géophysique, astrophysique…), probablement du fait de la diversité des environnements naturels dans lesquels ils existent (planètes, comètes, fonds des océans…) et de leurs enjeux technologiques, économiques et environnementaux. D’un point de vue fondamental, ces études finalisées sur les hydrates reposent sur la compréhension des facteurs pilotant leurs propriétés physiques et chimiques allant des sciences moléculaires à la thermodynamique. Déterminer les quantités d’hydrate de méthane présent dans les fonds océaniques requière la connaissance de signatures expérimentales de l’occupation des cages d’un hydrate. Prédire la stabilité d’un hydrate de gaz repose sur la connaissance précise des paramètres de modélisation thermodynamique à l’échelle moléculaire. Eviter la formation d’un hydrate bloquant un pipeline ou étudier les propriétés géo-mécaniques d’hydrates sédimentaires nécessite la compréhension des interfaces hydrates/substrats inorganique. Ainsi, ces enjeux fondamentaux de sciences moléculaires constituent le cœur d’un axe du GdR dédié aux études de stabilité, de formation, de dissociation, de structure, de dynamique des hydrates de gaz synthétisés en laboratoire dans les conditions thermodynamiques rencontrées interfaces, etc.)